Rapports d'événement Visionnez la conférence: Enjeux éthiques de la recherche en santé à l’ère des mégadonnées

 

En collaboration avec l’Institut des politiques sociales et de la santé de McGill

Contexte

Ce séminaire propose une série de réflexions sociopolitiques sur les enjeux éthiques pour la recherche en santé à l’ère de l’informatisation, couplée d’une analyse féministe et critique sur les notions du consentement informé et de l’autonomie.

Résumé

La prolifération d’innovations dans les domaines de l’informatique et de l’informatisation amène des réflexions à la fois excitantes et effrayantes quant aux possibilités nouvelles dans un ensemble des sphères humaine et non humaine (recherche, science, santé, économie, politique et société, individu, savoirs, etc.) qui forcent à des considérations éthiques urgentes. En matière de recherche et de la santé, l’informatisation engendre des transformations draconiennes non négligeables qui demandent examen. Que ce soit par la création de plateformes numériques de partage et de stockage de données, par la numérisation des données, des méthodes de collecte et d’analyse venant immortaliser les données et les possibilités de la recherche, ou la création d’algorithmes complexes et souvent autonomes permettant des méthodes scientifiques et de recherche jusqu’alors uniquement imaginables (ou pas), les possibilités, et ce qui émergent du déploiement de nouvelles technologies d’information et de communication (NTICs), sont innombrables, tout comme les enjeux et les craintes qui les accompagnent. Maintenant comme jamais auparavant enchevêtré à toutes les sphères et dimensions de la vie humaine et non humaine, nul ne contestera que l’informatisation a drastiquement et de multiples façons transformé la vie humaine et les processus sociétaux (c.-à-d. : la politique, la science, l’épistémologie, la santé, les soins de santé et même l’ontologie). Cette situation se complique tant avec l’engouement et l’enthousiasme de la communauté scientifique pour les possibilités nouvelles, une économie de savoir faisant pression sur cette dernière pour générer plus de recherche, de savoirs, de résultats, et d’innovation, et surtout des protocoles de recherche priorisant l’ouverture, le partage, la numérisation et l’enrichissement des ensembles de données. À cela, nous ajouterons les connaissances souvent limitées des chercheur-e-s (notamment en santé) quant aux fonctionnement, processus, possibles obstacles et possibilités de l’informatisation.

Les sociétés occidentales se caractérisent également par la dominance des théories morales du libéralisme, où l’on définit l’autonomie à partir des dimensions de l’individualité, la rationalité, la souveraineté de soi, les droits, l’indépendance, et la responsabilité personnelle et individuelle. L’hégémonie de ce modèle tend à exacerber l’adoption peu réflexive des « consommateurs » à l’informatisation ; il alimente notamment à la fois l’illusion de l’objectivité des données enrichies dites « brutes » et le fantasme d’une souveraineté et d’un contrôle individuel, où chaque consommateur devient maître de ses données. Trop peu est dit sur la complexité de l’informatisation, ou sur les compétences requises pour comprendre ses multiples rouages. Trop peu également dit sur l’abandon et l’isolement des individus avec leurs données. Tout cela sans oublier les enjeux éthiques entourant l’informatisation : confidentialité et anonymisation des données, risques à la vie privée, incertitude et absence de connaissances sur les possibilités ouvertes par les données enrichies, méthodes de production (d’extraction) de ces données, autonomie et agentivité

En santé et en recherche, le respect et la protection de l’autonomie individuelle passent avant tout par l’approche du consentement informé, une notion qui n’est pas dénudée de critiques. Largement conçue à partir de la conception libérale de l’autonomie, chercheur-e-s et professionnel-le-s de la santé obtiennent le consentement via la transition de toute information nécessaire à ce qui est jugé une décision éclairée par une personne évaluée capable (rationnelle, « autonome »). En général, cet individu demeure l’ultime voix pour consentir, mais qui parle à travers cette voie ? Devant tant d’enjeux et de complexité, ce séminaire proposera de puiser à même la contribution de la pensée féministe et de l’éthique du Care pour entamer la création d’outils conceptuels permettant aux chercheur-e-s en santé de répondre éthiquement, de manière responsable et réceptive (responsive) à ces derniers.

Conférencière

Émilie Dionne, PhD, Centre de recherche de St. Mary’s & Université McGill
Associée académique au Centre de Recherche de l’Hôpital St. Mary, Émilie Dionne détient un doctorat en pensée sociale et politique de l’Université York, à Toronto, et une formation de politologue. Ses champs d’expertise incluent : les soins de santé primaires, la méthodologie qualitative et qualitative critique, les épistémologiques postcoloniales et féministes, l’autonomie relationnelle, l’éthique du care et l’intersectionnalité des enjeux sociaux et de la santé. Ses projets de recherche actuels sont : l’évaluation à méthodes mixtes d’une intervention participative en soins de santé primaires visant à améliorer l’accès aux soins des personnes socialement vulnérables ; une synthèse des connaissances des programmes et des interventions visant à soutenir la transition des soins pour les enfants, les adolescents, les jeunes adultes et leurs familles ayant des besoins de santé complexes. Elle vit à Montréal avec son mari, le chat tripode Ian, et ses multiples loisirs créatifs.